L’Allemagne prévoit d’investir plus d’un milliard d’euros en Afrique pour accompagner des entreprises européennes, alors que la France perd des parts de marché depuis plusieurs années sur le continent.

L’Allemagne veut être plus active en Afrique. Angela Merkel l’a annoncé mardi 30 octobre lors d’un forum sur les investissements privés en Afrique appelé “Compact with Africa” avec la création d’un fonds d’un milliard d’euros pour favoriser les investissements de petites et moyennes entreprises (PME) européennes sur le continent.

Ce nouveau fonds servira à octroyer des prêts et des fonds propres aux PME européennes et allemandes qui souhaitent investir en Afrique.  « Pendant de nombreuses années nous avons été très concentrés sur l’Asie, je pense qu’à l’avenir le regard doit davantage se tourner vers l’Afrique », a déclaré la chancelière allemande lors de cette initiative créée pendant la présidence allemande du G20 l’an dernier et à laquelle participent 12 pays africains. Angela Merkel estime que le continent africain dispose d' »un énorme potentiel de croissance ».

Ce nouvel intérêt de l’Allemagne pour les économies africaines trouve un écho en France dont le président Emmanuel Macron avait annoncé, en 2017 à Ouagadougou, le lancement d’un fond similaire d’un milliard d’euros également pour les PME africaines et françaises désirant investir en Afrique.

Cependant, contrairement à Berlin, la France est depuis très longtemps un acteur économique clé du continent à travers de grands groupes historiques comme Total dans le secteur des hydrocarbures, Société Générale dans le secteur bancaire ou Peugeot dans l’automobile.

Des parts de marché réduites de moitié

Mais depuis une quinzaine d’années, les parts de marché des entreprises françaises sur le continent ne cessent de s’effriter et ont atteint leur plus bas niveau en 2017. Selon une étude de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) publiée en juin, les parts de marché françaises à l’exportation vers l’Afrique “ont été divisées par deux, passant de 11 % en 2001 à 5,5 % en 2017”. Des pertes qui ont profité à la Chine et à l’Inde dont les produits bon marché ont envahi le continent grâce à une stratégie économique de plus en plus agressive.

À titre d’exemple, dans le secteur des machines ou des équipements, “le poids de la France dans les exportations vers l’Afrique a été divisé par deux entre 2001 (12 %) et 2017 (6 %), en raison de la concurrence de la Turquie et surtout de la Chine dont la part a été multipliée par huit pour atteindre un quart des exportations totales de machines”, note la Coface. Avec des disparités plus grandes dans certains pays d’Afrique francophone comme l’Algérie, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Sénégal.

Dans le secteur des appareils électriques et électroniques, la France, leader jusqu’en 2006, a vu ses parts de marché reculer à 3 % en 2017 (contre 16 % en 2001). Et que dire du secteur pharmaceutique où les parts de marché françaises à l’exportation ont été quasiment divisées par deux sur la même période (de 33 % en 2001 à 19 % en 2017), au profit de l’Inde dont le poids est passé de 5 % à 18 %, une croissance tirée par le secteur des médicaments génériques à bas coût.

Économie informelle

“Les exportations françaises en Afrique n’ont pas baissé en valeur. Mais elle n’ont pas non plus augmenté” signale, moins alarmiste, Étienne Vauchez, président de la fédération des opérateurs spécialisés du commerce international (Osci). Cependant le développement sur le continent du marché de consommation des particuliers explique ce recul des exportations françaises au profit de nouveaux acteurs. “Les Français n’ont pas su appréhender les subtilités de l’économie africaine dominée à plus de 80 % par l’informel”, explique Étienne Vauchez.

“Les Français ont voulu commercer avec la partie émergée des économies, donc les grandes entreprises. Ils ont eu du mal à appréhender le circuit de distribution africaine qui n’est pas très structuré. Cela les a pertubés.” Par conséquent, les produits français sont chers pour une clientèle pas forcément aisée. A contrario, les Chinois, les Indiens ou encore les Turcs sont venus avec des produits moins onéreux très proches des attentes. “Ils ont surtout trouvé une distribution africaine qui était encore de rigueur dans leurs pays, explique Étienne Vauchez. Il y a un défaut général des Français à l’export qui est de ne pas partir de la réalité du marché.”

Le secteur de l’automobile n’est pas en reste. La concurrence de la Chine et de l’Inde (devenue le 4e fournisseur de l’Afrique dans ce secteur) a occasionné le recul de la France du 3e en 2001 au 7e rang en 2017 (avec une part de marché de 5 % contre 15 % en 2001). Mais bien avant l’arrivée massive de constructeurs chinois, les marques françaises comme Peugeot étaient déjà en difficulté face aux japonaises comme Toyota ou sud-coréennes comme Hyundai. “Dans le secteur de l’automobile, les marques françaises ne s’étaient pas adaptées à la demande. Mais elles reviennent avec des véhicules low-cost pour la classe moyenne africaine. C’est le cas par exemple de la marque Duster de Renault dont les voitures sont fabriquées au Maroc et qui sont revendues un peu partout en Afrique subsaharienne.”

L’exception sud-africaine

Cependant, les statistiques sur le commerce extérieur français vers l’Afrique doivent être nuancées. “Les entreprises françaises marquent des points sur les services. Ce sont par exemple les performanes de Orange sur le continent dans les Télécoms. Canal plus se porte bien. Le groupe Bolloré dans les ports ne se porte pas trop mal. Et aussi les entreprises dans le BTP. Ce sont des données que ne prennent pas en compte les statistiques douanières.”

À noter aussi que si les entreprises françaises se font distancer plus globalement par la Chine sur le continent, elle ne connaissent pas la crise en Afrique du Sud. Selon Le Monde, 370 entreprises françaises sont installées dans ce pays dont la quasi-totalité des entreprises du CAC 40. L’Afrique du Sud est le premier partenaire économique de la France en Afrique subsaharienne avec un volume d’échanges de 2,9 milliards d’euros en 2017. “Le marché sud-africain est structuré pour l’économie des grandes entreprises. Le pays est riche. C’est un marché que les Français savent appréhender. Contrairement aux économies comme la RD Congo, l’Angola ou le Nigeria dont le cœur est informel.”

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