L’ex-président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, incarcéré depuis plus d’un an et demi pour corruption, à Sao Paulo le 7 avrl 2018
Les avocats de l’ex-président Lula ont déposé vendredi une demande de « libération immédiate » du prisonnier le plus célèbre du Brésil, au lendemain d’un arrêt de la Cour suprême susceptible de redonner des couleurs à la gauche.

« Nous espérons que la juge d’application des peines pourra immédiatement émettre l’ordre de libération parce qu’il n’y a pas la moindre raison d’attendre plus longtemps », a expliqué l’avocat Cristiano Zanin, après avoir rendu visite à Luiz Inacio Lula da Silva au siège de la police fédérale de Curitiba, dans le sud du Brésil.

L’ex-président (2003-2010) y purge depuis avril 2018 une peine de huit ans et dix mois de réclusion pour corruption.

« Il n’y a plus rien qui puisse retarder l’émission de cet ordre de libération. Tout nouveau délai donnerait une dimension politique encore plus importante » à la situation judiciaire de Lula, a insisté Me Zanin.

« Lula est très serein, il n’est pas pressé, mais nous sommes pressés, nous voulons qu’il sorte aujourd’hui », a pour sa part déclaré Gleisi Hoffmann, la présidente du Parti des Travailleurs (PT), fondé par Lula en 1980.

La dirigeante, qui a également rendu visite à l’ex-président vendredi matin, a précisé que la première chose qu’il ferait une fois libéré serait de saluer les militants qui campent devant le siège de la police fédérale depuis plus d’un an et demi.

En première ligne, la compagne de Lula, Rosangela da Silva : « Je viens te chercher ! Attends-moi ! », a lancé sur Twitter la sociologue à l’intention de celui qui veut rapidement l’épouser.

Les avocats de Lula, qui ont déposé une demande de « libération immédiate » de l’ancien président, le 8 novembre 2019 à Curitiba, dans le sud du Brésil.
« Tout le monde a hâte, ça fait 580 jours, on est très heureux, c’est une grande victoire », a expliqué à l’AFP Pedro Carrano, un des responsables du campement à Curitiba.

« Hier, je ne voulais même pas assister au vote (des juges de la Cour suprême), je n’y croyais pas. Mais quand j’ai vu le résultat, j’ai crié, j’ai pleuré et maintenant je suis ici », devant le siège de la police fédérale, « je ne pouvais pas rater ça », a raconté Lucia Fernandes, 58 ans, arborant une casquette signée par Lula lui-même.

Gleisi Hoffmann a annoncé qu’après ce premier bain de foule à Curitiba, Lula se rendrait près de Sao Paulo, au syndicat des métallurgistes de Sao Bernardo do Campo, où il était resté retranché avec ses partisans avant de se rendre aux autorités pour commencer à purger sa peine en avril 2018.

  • « Contre le peuple » –

Lula, 74 ans, n’est pas le seul détenu qui devrait bénéficier de l’arrêt de la Cour suprême : ils sont près de 5.000 concernés par cette décision qui sera appliquée au cas par cas et change radicalement l’application des peines au Brésil.

Des partisans de Lula, le 8 novembre 2019 à Curitiba, dans le sud du Brésil.
Sur un score serré de six voix contre cinq, les magistrats de la haute cour ont mis fin tard jeudi à une jurisprudence selon laquelle une personne peut être emprisonnée avant l’épuisement de tous ses recours si sa condamnation a été confirmée en appel, comme c’est le cas pour Lula.

Comme lui, de nombreux détenus condamnés dans le cadre de l’opération anticorruption « Lavage Express », une enquête tentaculaire qui a fait trembler l’ensemble de la classe politique, pourraient prochainement recouvrer la liberté.

Au grand dam des procureurs chargés de l’affaire, pour lesquels la décision va « à l’encontre du sentiment de rejet de l’impunité ».

  • « Caravanes » en vue –

« La Cour suprême a voté contre le peuple », a déploré Major Olimpo, le leader au Sénat du PSL, le parti du président Jair Bolsonaro.

Ce dernier, coutumier des tweets incendiaires, est resté étrangement silencieux sur le sujet, alors qu’il y a un peu plus d’un an, il avait lâché en pleine campagne qu’il souhaitait voir Lula « pourrir en prison ».

Son fils Eduardo, qui est député, a en revanche déploré sur Twitter qu' »On libère les brigands et on désarme la population ».

Pour Thomas Favaro, un analyste politique du cabinet de consultants Control Risks, « la libération de Lula confère au PT le leadership de l’opposition », vu sa capacité à « rassembler d’autres figures de la gauche ».

Mais ce rebondissement pourrait aussi être considéré, selon ce spécialiste, comme une « bonne nouvelle » pour le président Bolsonaro, qui s’est fait élire en grande partie grâce à un violent « sentiment anti-PT » d’une partie de la population.

« Si Lula est plus présent sur la scène politique, Bolsonaro va renforcer son rôle de leader du camp anti-PT », prédit Thomas Favaro.

Lula a déjà fait part de son intention de participer à de grandes tournées à travers le Brésil, les fameuses « caravanes » qui lui ont permis d’accroître sa popularité auprès des plus pauvres, mais aussi de voyager à l’étranger pour incarner l’opposition à M. Bolsonaro.

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