Le Réseau Ouest-africain pour l’Édification de la Paix (WANEP) a dans une déclaration dont s’est procurée notre rédaction déplorée les violences enregistrées en République de Guinée, depuis le lundi dernier date à laquelle le front national pour la défense de la constitution (FNDC) a déclenché ses manifestations. Des manifestations dont le bilan provisoire fait état de sept (7) morts, 70 blessés et une centaine d’arrestation.
Cette organisation régionale de consolidation de la paix fondée en 1998 a initié, dans le cadre de l’opérationnalisation de leur système national d’alerte précoce et de réponse rapide la publication d’un rapport d’analyse de la situation sécuritaire projet appelé « News Quick Updates ». Dans ce document, l’organisation décrit non seulement la situation sociopolitique mais aussi situeé les responsabilités avant de proposer des solutions idoines pour une sortie de crise efficace et très rapidement.
Depuis plusieurs mois, un bras de fer oppose le gouvernement guinéen à l’opposition politique réunie au sein du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) et certains acteurs de la société civile autour du changement de la Constitution. Ce projet de doter la Guinée d’une nouvelle constitution depuis un certain temps, alimente le débat dans la cité à travers le pays entre les pour et les contre. Selon les membres du gouvernement et ceux qui soutiennent ce projet, ceux-ci pensent que ce changement constitutionnel permettra de doter la Guinée d’une constitution qui prendra en compte toutes aspirations du Peuple de Guinée. Par contre, le FNDC et leurs militants pensent que ce projet est une manœuvre orchestrée par le gouvernement actuel pour permettre au Président de la République qui est en fin de son deuxième et dernier mandat selon l’actuelle constitution de briguer un troisième mandat présidentiel au-delà de 2020.
C’est pourquoi, le FNDC s’organise de plus en plus à ce que ce projet n’ait pas lieu. C’est dans ce cadre qu’il a organisé une série de manifestations entre mai et juin 2019 afin d’attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur les conséquences qui pourraient engendrer ce projet. Or, nous avions constaté que ces manifestations dans la plupart des cas se sont soldées par des confrontations violentes entre les militants du FNDC et les forces de l’ordre dans certaines préfectures comme Boké (Sangarédi), Kindia, Mamou et Nzérékoré où il y’a eu mort d’hommes, de blessés, des arrestations et des dégâts matériels considérables enregistrés.
Dans le but de trouver une issue favorable à cette situation, le Président de la République a mandaté le 04 septembre 2019 son Premier Ministre Dr Ibrahima Kassory FOFANA de faire des consultations nationales auprès des acteurs sociopolitique du pays : la société civile, les partis politiques, les syndicats, le patronat, les confessions religieuses et les institutions républicaines autour d’un certain nombre de questions d’intérêt national notamment, l’organisation des élections législatives le 28 décembre 2019 et l’adoption d’une nouvelle constitution. Mais certains acteurs sociopolitiques comme le FNDC ont rejeté cette proposition et pense que débattre sur un sujet qui est déjà tranché par la constitution, c’est de légitimer un coup d’état constitutionnel. Alors que les consultations se poursuivaient, le Président Alpha Condé lors d’une visite d’État aux États-Unis d’Amérique le 23 septembre 2019 aurait demandé à ses partisans de se préparer pour le referendum.
C’est ainsi que le FNDC a lancé un appel à tous ses militants le 07 octobre 2019 de se mobiliser et manifester de l’intérieur ainsi qu’à l’international le 14 octobre contre toute tentative de referendum qui sera initié par le gouvernement.
En vue de dissuader les organisateurs de la manifestation le lundi 14 octobre dernier, les autorités sécuritaires du pays ont procédé à un certain nombre d’arrestations y compris le coordinateur du FNDC Abdourahamane SANOH, son directeur des opérations, le responsable de la stratégie Sékou KOUNDOUNO et plusieurs autres membres. Ces arrestations sont intervenues le samedi 12 octobre 2019.
C’est ainsi que le lundi 14 octobre 2019, comme annoncé par le FNDC, plusieurs préfectures du pays comme Boffa, Boké, Labé, Mamou, Pita, Kérouané, Kankan, Yomou, Lola et Conakry ont répondu à cet appel. Si certaines localités ont manifesté sans incidents majeurs, d’autres par contre ont connu des violentes confrontations entre les manifestants et les forces de l’ordre qui se sont soldées à nouveau par des morts d’hommes, 02 morts dont un gendarme à Mamou, 03 morts à Wanindara, 01 mort à Sonfonia Gare et 01 mort à Cosa. Du quartier Wanindara en passant par Sonfonia, Koloma jusqu’à Hamdalaye (Conakry), les préfectures de Mamou, Kankan, on déplore au total sept (07) personnes tuées, 70 blessées et une centaine d’arrestation selon le dernier communiqué du FNDC . En plus des cas de décès et de blessés, des dégâts matériels et des arrestations ont été aussi signalés dans plusieurs localités. C’est le cas de l’arrestation de trois (03) femmes à Kankan, du reggae man Elie KAMANO, le responsable du FNDC de Mamou, le responsable de la jeunesse du parti UFR (Union des Forces Républicaines). Il est à noter aussi que plusieurs Point d’appui (PA) situés aux quartiers Hamdalaye, Wanindara et Koloma (Conakry) ont été pillés et puis saccagés par les manifestants. Les activités ont été paralysées à plusieurs endroits, les écoles et plusieurs commerces également fermés.
Il faut rappeler que depuis le lundi 14 octobre 2019 les domiciles privés des leaders de l’opposition comme Cellou Dalein DIALLO, chef de file de l’opposition guinéenne et président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) et Sidya TOURÉ président de l’Union des Forces Républicaines (UFR) ont été encerclés par les agents de forces de l’ordre en les empêchant de participer à ces manifestations. Quant aux responsables du FNDC arrêtés dans la matinée du samedi 12 octobre 2019 à Conakry, ils ont été tous déférés au tribunal de première instance de Dixinn à Conakry.
ANALYSE DES RISQUES
Malgré la main tendue du Président de la République, Pr Alpha Condé qui au cours d’une réunion avec ces proches collaborateurs a « réitéré son appel à la concertation menant à un dialogue responsable et permanent pour aplanir toutes les divergences et relever tous les défis qui se posent au pays » la situation ne semble pas être calme vu la détermination des militants du FNDC qui appellent encore à de nouvelles manifestations. Les risques de nouveaux affrontements entre militants du FNDC et les forces de l’ordre restent et demeurent une préoccupation majeure. En plus, des propos incendiaires prononcés par les jeunes et certains leaders politiques qui approuvent l’idée du gouvernement semblent aggraver la situation politique. Si cela continue, il est probable que la situation prenne une autre tournure inquiétante. En voulant répliquer aux actions des militants du FNDC, les militants du parti au pouvoir ou ceux qui approuvent ce projet, pourraient faire recours aux actes susceptibles d’engendrer d’autre formes de violences ou confrontations ethniques et des abus des droits humains dans certaines localités du pays où les tensions ethniques sont palpables.
Vu les expériences du passé, des malfrats pourraient s’en servir de cette situation de trouble pour semer la peur afin de vandaliser et piller les boutiques des commerçants et autres biens et lieux publics.
MECANISME D’INTERVENTION
• Des forces de l’ordre ont été déployées sur les lieux afin de calmer la situation.
• Les blessés ont été transportés dans les centres de santé pour des soins médicaux.
• Un dispositif sécuritaire a été déployé dans les coins chauds de la ville.
• Le chef de l’État a appelé au calme et à la concertation pour ouvrir à nouveau un dialogue national.
RECOMMANDATIONS
Aux autorités/Gouvernement de :
• Veiller au respect des droits de manifestation (liberté d’expression)
• Renforcer la sécurité des personnes et de leurs biens où qu’ils soient sur le territoire national en déployant des agents sur les points chauds,
• Libérer sans délais les membres du FNDC arrêtés avant et pendant la manifestation,
• Réduire la présence sécuritaire aux domiciles privés des leaders de l’UFDG et celui de l’UFR,
Au Front National pour la Défense de la constitution/aux partis politiques/la population/jeunesse :
• Éviter toute forme de violence pendant les manifestations ;
• Continuer à privilégier le dialogue avec le gouvernement afin de trouver une issue favorable allant dans l’intérêt de tous ;
• Accepter la main tendue du gouvernement et de revenir autour de la table de dialogue et de négociation ;
• Faire recours à la loi pour le règlement de tous différends ;
• Éviter les cas de vandalisme lors des manifestations ;
• Respecter les forces de l’ordre et ne pas les voir ou considérer comme des ennemis ou rivaux ;
• Sensibiliser leurs militants et sympathisants à ne plus utiliser les propos incendiaires susceptibles de raviver les tensions.
Aux forces de l’ordre :
• Continuer à maintenir de l’ordre tout en respectant le droit des manifestants ;
• Agir de façon professionnelle sur le terrain car nul n’est sensé exécuté un ordre manifestement illégal ;
• Respecter l’utilisation des armes conventionnelles lors des opérations de maintien d’ordre.
A la Société civile de :
• Continuer à sensibiliser les citoyens sur la non-violence et l’importance du dialogue dans la résolution des différends et le renforcement de la cohésion sociale.
• Continuer à renforcer les capacités des acteurs communautaires en prévention et gestion des conflits surtout en cette période pré-électorale.
Aux Médias de :
• Respecter l’éthique et la déontologie du métier de journalisme ;
• Renforcer les capacités des médias en journalisme sensible aux conflits surtout en cette période de tension politique ;
• S’abstenir à diffuser toute information tendant à menacer la paix et la quiétude sociale.
Aux missions diplomatiques accréditées en Guinée :
• De continuer à encourager les autorités gouvernementales et les membres du FNDC à privilégier le dialogue et le compromis afin de trouver une issue favorable pouvant bénéficier toutes les parties prenantes.