Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a imposé lundi un confinement strict de trois semaines dans son pays, le plus touché par l‘épidémie de coronavirus en Afrique subsaharienne, tandis que le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont proclamé l‘état d’urgence assorti d’un couvre-feu, des mesures toutefois difficiles à appliquer dans un continent où sortir travailler est parfois une question de survie.

“Un confinement national sera mis en place pendant vingt-et-un jours (…). Il sera imposé à partir de jeudi minuit”, a annoncé avec gravité M. Ramaphosa lors d’un discours télévisé.

Cette mesure vise à prévenir une “catastrophe humaine aux proportions énormes”, a-t-il expliqué. Un total de 402 cas de Covid-19 ont été confirmés jusqu‘à présent en Afrique du Sud, un nombre “multiplié par six en seulement huit jours”, a insisté le chef de l’Etat.

“Sans action décisive, le nombre de personnes infectées va passer rapidement de quelques centaines à des dizaines de milliers et, d’ici quelques semaines, à des centaines de milliers. C’est une décision indispensable pour sauver des millions de Sud-Africains de l’infection”, a-t-il expliqué.

Pour faire respecter ce confinement total, le président Ramaphosa a décidé de recourir à l’armée. Et dès lundi après-midi, des militaires ont été déployés dans la capitale économique Johannesburg.

Après plusieurs pays d’Europe et d’Amérique latine notamment, l’Afrique, le continent le plus pauvre de la planète, adopte très progressivement le confinement, une mesure destinée à sauver des vies mais qui paralyse l‘économie.

Principal ennemi : l’indiscipline

En Afrique de l’Ouest, deux chefs d’Etat, le sénégalais Macky Sall et l’Ivoirien Alassane Ouattara ont annoncé lundi soir des mesures similaires: instauration de l‘état d’urgence et couvre-feu nocturne.

Le coronavirus “gagne du terrain” dans plusieurs régions sénégalaises (79 cas officiellement recensés), selon Macky Sall.

En Côte d’Ivoire (25 cas, aucun décès selon le dernier bilan publié dimanche), un confinement progressif se met en place, “par aires géographiques”. Les déplacements entre Abidjan, la capitale économique où se concentre la majorité des cas, et l’intérieur du pays, seront soumis à autorisation.

“Dans cette lutte contre la propagation du Covid-19, notre principal ennemi sera l’indiscipline et le non-respect des consignes de prévention”, a souligné le président Ouattara, appelant à “l’union sacrée”.

L’Afrique a pourtant été jusqu‘à présent relativement épargnée par la pandémie par rapport au reste du monde: au moins 1.628 cas, dont une cinquantaine de morts, ont été déclarés sur le continent, contre plus de 360.000 cas d’infection et 16.000 décès au total sur la planète, selon un bilan établi par l’AFP à partir de sources officielles.

Mais la très grande faiblesse des services de santé dans les pays africains laisse craindre que la pandémie puisse être dévastatrice.

Déjà effectif en Tunisie, au Rwanda et à Maurice, le confinement a aussi été imposé lundi à Lubumbashi (sud-est), la capitale économique de la République démocratique du Congo, et dans les deux principales villes de Madagascar, la capitale Antananarivo et Toamasina (est).

“Qu’est-ce qu’on va manger ?”

Le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec 200 millions d’habitants, qui n’a enregistré officiellement que 36 cas de coronavirus dont un décès, a demandé lundi aux résidents de sa capitale, Abuja, et de sa ville la plus peuplée, Lagos, de rester chez eux.

Une mesure qui semble toutefois très difficile à mettre en oeuvre dans deux mégapoles où de nombreux habitants ont besoin d’aller travailler pour survivre.

“Dispersez-vous et rentrez chez vous. Pour votre propre bien. Ne revenez pas demain”, avait demandé dès dimanche la police en dispersant les sportifs et les vendeurs de rue postés devant le stade national de Surulere, un quartier populaire du centre de Lagos.

“Qu’est-ce qu’on va manger, que vont manger nos clients ?”, s’est indignée en réponse Alice, vendeuse de fruits et légumes. “Je paie (mes légumes) à crédit, et maintenant je ne peux plus les vendre. On a besoin de survivre, on ne peut pas rester à la maison!”.

Dans le Nord-Est, les autorités locales ont interdit les visites dans les camps abritant des dizaines de milliers de déplacés par l’insurrection de Boko Haram.

En Afrique centrale, le président du Gabon Ali Bongo Ondimba a annoncé un confinement partiel de 19H30 à 6H00 du matin, qui a débuté dimanche.

Au Cameroun voisin (56 cas déclarés officiellement), “on espère ne pas arriver à un confinement de tout le pays”, a déclaré dimanche soir le ministre de la Santé, le Dr Malachie Manaouda. Des internautes le réclament pourtant.

“Condamnation à mort”

Le Rwanda (17 cas déclarés) a interdit dès samedi soir “les déplacements non essentiels”. “Deux semaines sans travail dans une ville où tout est cher, c’est une condamnation à mort”, s’est alarmé Alphonse 29 ans, moto-taxi dans la capitale Kigali quasi-déserte.

Dans la Corne, l’Ethiopie a annoncé lundi la fermeture de ses frontières terrestres. Depuis vendredi, les 1,3 million d’habitants de l‘île Maurice, à environ 1.800 km au large de la côte orientale de l’Afrique, doivent également rester confinés pendant 14 jours.

A Madagascar, cette mesure s’avère très compliquée à appliquer dans la capitale. “Je sais que le coronavirus peut tuer. Mais si je reste à la maison pendant quinze jours sans travailler, je meurs aussi”, a expliqué un vendeur, Jean Naina Rakotomamonjy.

“Le confinement partiel ou total risque d’avoir des effets désastreux pour le continent africain”, s’inquiète l‘écrivaine camerounaise Calixthe Beyala, sur sa page Facebook.

“Les populations les plus démunies en seront les premières victimes, elles crèveront de faim ou du moins leur organisme fragilisé par la malnutrition les rendra fragiles face au virus”, a-t-elle ajouté, appelant à trouver “des stratégies d’urgence qui répondent mieux aux besoins de nos peuples”.

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