Au Brésil, le juge anticorruption Sergio Moro a accepté le poste de ministre de la Justice proposé par Jair Bolsonaro. Une prise de choix pour le nouveau président d’extrême droite.
Le juge Sergio Moro n’aura pas attendu longtemps pour accepter le ministère de la Justice que lui offrait Jair Bolsonaro. « La perspective d’implanter de fortes mesures contre la corruption et le crime organisé, en respectant la Constitution m’a amené à prendre cette décision », a-t-il justifié.
Le président élu, qui a annoncé la nouvelle sur les réseaux sociaux, réussit un coup de maître, lui qui a durant toute la campagne dénoncé la corruption et assuré qu’il allait y mettre fin. « Le juge fédéral Sérgio Moro a accepté notre invitation au ministère de la Justice et de la Sécurité publique », indique sur son compte Twitter Jair Bolsonaro, tout en indiquant ses priorités « Son programme anti-corruption, la lutte contre le crime organisé ainsi que le respect de la Constitution et des lois ».
Sergio Moro est une personnalité populaire autant que décriée. Ses détracteurs lui reprochent d’avoir créé les conditions pour l’élection de Jair Bolsonaro. Mais pour les Brésiliens qui dénoncent une corruption endémique, ce juge impartial et parfois sévère – il n’hésite pas à recourir aux détentions provisoires – fait figure de porte-drapeau. C’est lui qui a révélé le plus grand scandale de corruption de l’histoire du pays grâce à l’opération « Lava Jato » qui a conduit la condamnation de dizaines d’hommes d’affaires et de politiques.
Pour ses pairs, cet homme de 46 ans, juge depuis 1996, a le profil type pour occuper ce poste parce qu’il maîtrise parfaitement les rouages de l’Etat et de la justice. Malgré son entrée au gouvernement, Sergio Moro a promis que l’opération « Lava Jato » allait continuer à fonctionner, avec d’autres « juges locaux très courageux ». Il ne pourra en revanche plus auditionner l’ancien président Lula, qu’il a condamné à 12 ans de prison et qu’il devait entendre de nouveau d’ici 15 jours, rappelle notre correspondant à Rio, François Cardona.
Pour les partisans de Lula, cette entrée au gouvernement prouve que Sergio Moro n’était pas impartial lorsqu’il l’a condamné pour corruption. De plus, l’avocat de l’ancien président, Cristiano Zanin, relève que des négociations politiques entre l’équipe de Jair Bolsonaro et Sergio Moro se sont déroulées en pleine campagne électorale, rapporte notre correspondant à Sao Paulo, Martin Bernard. Encore une preuve que l’objectif de cette « persécution judiciaire », selon son avocat, était simplement d’exclure Lula de la vie politique.
Selon l’ancien ministre de l’Education de Dilma Rousseff, Renato Janine Ribeiro, cette décision pourrait même nuire à la réputation de la justice. « Le fait que Sergio Moro devienne ministre de la Justice d’un président qui n’a jamais mis en valeur les droits de l’homme pose un problème, parce que la justice comprend les droits de l’homme », estime-t-il.